Le constat est sans appel. La crise frappe à nos portes : le conflit russo- ukrainien, l’aggravation du stress hydrique ont, dans la période la plus récente, révélé toute l’ampleur des dangers d’une forte dépendance alimentaire. Plus que jamais, il est urgent d’œuvrer en vue du renforcement de la sécurité alimentaire du pays et de la promotion d’une agriculture moderne et performante. Les défis sont immenses et le temps est compté. Dans le présent entretien, le Dr.Amine Bensemane, Président du Groupe de réflexion (GRFIFILAHA INNOV) et du Salon SIPSA- Filaha, nous livre, avec beaucoup de pédagogie, quelques pistes de réflexions « prudentes, mais déterminées » en vue d’une reconstruction de l’agriculture nationale.
L’année 2023 est marquée par l’adoption par les pouvoirs publics d’une politique de relance économique ? Cette conjoncture favorable a-t-elle des incidences sur le déroulement du SIPSA –FILAHA 2023 ?
Nous saluons les efforts déployés par les pouvoirs publics pour la relance de l’économie nationale et exprimons le vœu que cela se traduise par une accélération de la modernisation du secteur de l’agriculture. Nous rappellerons, à cet égard, que le Président de la République, M Abdelmadjid Tebboune a, à maintes occasions, souligné que le développement du secteur agricole était une priorité stratégique et plus récemment encore, lors des assises de l’agriculture, le Chef de l’Étata encore indiqué que« Notre sécurité alimentaire est la meilleure garantie de la souveraineté et de l’indépendance de notre décision ».Dans le même sens, il convient de noter que le plan d’action du gouvernement insiste « sur le renforcement de la sécurité alimentaire du pays et la promotion d’une agriculture moderne et performante, créatrice de richesses et d’emplois, susceptible de contribuer à la diversification de l’économie nationale ».Ceci étant, dans la période la plus récente, le conflit russo-ukrainien conjugué à l’aléa du stress hydrique, ont mis en lumière les périls d’une grave crise alimentaire. L’urgence demise en place d’une stratégie visant à améliorer les performances de l’agriculturenationale, notamment pour les produits de base : céréales, légumineuses, filière lait …, revêt, de ce fait, une acuité particulière. Pour faire face à ces défis, nous travaillons, au sein du GRFI à une stratégie de long terme car nous considérons que construire un système agricole viable requiert autant de réflexions prudentes et déterminées que d’actions multiples, éparses, et mais finalement convergentes pour se hisser au niveau de la soutenabilité et de la durabilité exigée par les nouvelles règles gouvernant l’économie mondiale. Cette reconstruction complexe de l’agriculture nationale nous essayons de la retracer au salon SIPSA en montrant à travers la diversité des métiers de base de nos exposants, les efforts d’intégration qu’il est nécessaire de réaliser afin d’assurer la bonne marche d’une exploitation agricole moderne et la cohérence de systèmes agricoles allant de la production, au stockage, la distribution et l’alimentation…Enfin, et plus concrètement une des contributions majeures du Salon à l’essor de l’agriculturenationale est de répondre aux diverses interrogations des visiteurs concernant la préservation et la fertilisation des sols, les techniques culturales, l’amélioration des rendements, l’élevageanimalier…A travers l’expertise des professionnels nationaux et internationaux présents au SIPSA, des débuts de réponses voir des solutions pourrontêtre apportés à ces divers questionnements.
La modernisation de l’agriculture nationale est aujourd’hui une nécessité admise par tous. Quels sont les conditions à réunir pour relever ce défi ?
Il faut préciser au préalable que l’agriculture de la performance demande une concentration financière qui n’a rien à envier à celle des autres branches de l’économie. Nous ne pourrons pas atteindre un niveau appréciable d’intégration et de régulation sur le marché si de grands donneurs d’ordre n’émergent pas avec toute la logistique qui est la leur afin de standardiser l’ensemble des pratiques aussi bien commerciales que qualitatives devant régir l’alimentation humaine. Il faut admettre que l’agriculture algérienne souffre cruellement, non seulement d’undéficit d’équipements adaptés à la typologie de ses petites propriétés, mais aussid’un sous accompagnement agronomique. A ces deux contraintes, il faut ajouter, par ailleurs,la faible attractivitédu monde rural pour les investissements tant les flux financiers sont plutôt concentrés à soutenir la consommation des villes. Sur ce dernier registre, une des nouveautés de ce salon est la présence de plus en plus marquées d’établissements financiers qui découvrent le monde agricole et qui, pour le moment, réfléchissent à l’élaboration de produits financiers qui permettront aux agriculteurs d’être soutenus dans la réalisation de leurs projets de production, voired’aménagement du territoire et souvent d’écologie. Il faut admettre que les efforts déployés par les agriculteurs, pour le reste de la Nation, ne sont pour l’heure, pas suffisamment encouragés. Une nouvelle attitude visant à un soutien accru semble cependant se faire jour. Nous faisons tout au SIPSA pour l’encourager.
Le salon AFRIKA AGROFOOD est non seulement le rendez-vous de l’Agro-industrie algérienne, mais aussi une porte d’entrée privilégiée vers l’Afrique.Quelle peut-être la contribution de ce salon pour le développement des échanges vers les marchés africains?
Effectivement cette année, le SIPSA accueille Afrika Agro Food, salon de l’agro-alimentaire, avec pour invité d’honneur le Sénégal. A travers cette initiative, nous cherchons à permettre aux investissements africains de se réaliser en Algérie afin de diversifier les origines de nos importations, d’une part, mais aussi changer la nature de notre alimentation, d’autre part, en élargissant la variété des produits agricoles à notre disposition en Algérie. Cette orientation sud-sud, nous la percevons aujourd’hui comme bien moins risquée que la dépendance excessive à l’égard de produits alimentaire en provenance exclusive d’autres sphères du monde. Nous aurons donc des exposants africains au SIPSA cette année. Dans un second temps, le salon Afrika Agrofood s’exportera en Afrique en commençant par le Sénégal où nous inciterons le secteur de l’agro-alimentaire algérien à s’exporter. Nous sommes conscient que le chemin est long, parsemé d’obstacles, mais nous sommes convaincus qu’avec la modernisation en cours de nos administrations, nous parviendrons, dans un court laps de temps, à réaliser une large part de nos objectifs.
La 21 e édition du salon verra l’organisation de la première édition de DJAZAQUA, salon de la pêche et des productions halieutiques, pisciculture et aquaculture. Quelles sont les motivations d’une telle initiative ?
Il faut savoir que notre consommation de poissons par an et par habitant est ridiculement basse. Une situation paradoxale, alors que nous possédons plus de 1200 km de côtes, des ports de pêches bien répartis, des infrastructures relativement modernes. Nos points faibles sont identifiés: nous souffrons d’un déficit en chaines logistiques du froid, en infrastructures de transformation en conserve, et bien sûr, les investissements dans les filières de l’aquaculture et de la pisciculture sont trop faibles. Fort heureusement, de nouveaux investisseurs ont apporté des techniques modernes, une nouvelle façon de considérer l’industrie halieutique et nous estimons qu’il s’agit là de voies fructueuses pour stimuler un secteur qui pourrait fortement multiplier sa valeur tant il recèle des marges de progression importantes. Le salon Djazaqua cherche, au-delà des professionnels qu’il regroupe dans la diversité de leurs métiers, à encourager une agriculture de la mer à laquelle nous croyons beaucoup. Pour peu que l’on arrive à se départir d’un certain mercantilisme, ce secteur offre toutes les conditions l’émergenc ed’une industrie moderne et technologique.
Le concours Africa SIPSA-Innov Sid Ahmed Ferroukhi, qui rend hommage à feu le ministre algérien de l’agriculture, un éminent agronome, s’ouvre vers l’Afrique et met désormais à contribution les compétences africaines. Pourquoi cette nouvelle orientation ?
C’est d’abord l’orientation décidée et voulue par les autorités du pays. Les potentiels d’échange entre l’Algérie et l’Afrique sont importants et il est urgent de les promouvoir, mais au-delà des aspects commerciaux, il est aussi tout important d’amorcer des dynamiques de codéveloppement avec nos voisins africains en encourageant les partenariats et l’intégration économique. Vécue comme une contrainte aujourd’hui, les dynamiques démographiques des pays de la région pourraient devenir des atouts pour l’avènement d’une ère de coprospérité intégrant notre voisinage frontalier proche et lointain.
Bien sûr, au vu de la situation géopolitique de notre sous-région, d’immenses efforts restent à faire, mais cela ne doit pas nous inciter au découragement. Le partage de l’alimentation, dans des circuits de dimension régionale en intégration/partage de la chaine des valeurs, nous semble une piste à explorer sérieusement afin d’accompagner un mouvement d’intégration qui se fera avec ou sans nous et à choisir, nous préférons qu’il se fasse avec nous. L’agriculture en commençant par l’agro-alimentaire, le commerce et la dissémination des idées et des technologies afin de réaliser de meilleurs rendements dans tous les domaines de l’alimentation sont les seules voies sérieuses pour fonder la paix de manière durable. « Ventre creux n’a pas d’oreilles ». C’est cet adage que nous serons bien avisés de mieux entendre.
Pour le volet animation des forums du SIPSA-Filaha&Agrofood, l’édition 2023 verra aussi une présence remarquée de la FAO quiorganisera un panel sur le mil. Un mot sur cet événement?
Le mil, cette très ancienne céréale a tout l’avenir devant elle. Elle fait le bonheur des pays du Sahel tant elle est bien adaptée à la sécheresse. Au vu de la progression
des changements climatiques, nous serons mis dans l’obligation de l’adopter, plus tôt que tard.
L’ONU et la FAO ne s’y sont pas trompés et sous l’impulsion de l’Inde (un grand pays, membre des BRICS) ont déclaré l’année 2023, l’année du mil. Nous partageons la vision de ces organisations mondiales. En effet, le mil est prolifique ;il aime la chaleur, a besoin de très peu d’eau, et peut donner jusqu’à 5 à 6 récoltes par an. Il se cultive en Algérie dans nos oasis aussi bien pour des usages fourragers qu’à destination de l’alimentation humaine.
Au moment où nous redécouvrons notre Sahara pour ce qu’il pourrait nous apporter en alimentation ; il serait peut-être temps de découvrir également son écosystème ; ses plantes (le mil) et ses animaux afin de réaliser une agriculture de la performance en se basant sur ce que la nature a façonné de plus performant pour nos climats exigeants.
Au centre des débats animés par le Think tank GRFI (Groupe de Réflexion FilahaInnov) figure également le développement de la céréaliculture, et plus précisément la culture du blé dur…A la lumière de la crise russo-ukrainienne, ces thématiques ne révèlent-elle pas, par ailleurs, l’urgence d’un nouveau regard sur notre sécurité alimentaire ?
Pour illustrer mon propos, je dirai que nos comportements en tant qu’individus sont aujourd’hui tout simplement irresponsables. Je m’explique : pour nous alimenter, au lieu de cultiver notre potager et cuisiner nos repas; nous décidons d’aller au restaurant tous les jours par commodité et facteur aggravant, sans pour autant produire de la valeur dans les autres sphères hors agriculture.
Cette déviation qui prend un aspect de fragilité structurelle doit cesser, car elle met en danger notre sécurité nationale. Il ne s’agit pas de tout chambouler du jour au lendemain. Mais il nous faut, à travers la libération des énergies, le desserrement des contraintes administratives de toutes natures et dans le cadre d’une politique publique de la construction des intégrations des systèmes de la production entre l’amont et l’aval des filières, par des mécanismes pensés en étroite coopération avec les acteurs des filières et toujours en s’appuyant sur l’économie de la connaissance ; offrir de nouvelles perspectives dans le cadre d’un système incitatif permettant aux agriculteurs de réaliser de bonnes affaires pour eux- mêmes et par ricochet pour la Nation toute entière. Cet effort est requis de tous.
Il est impératif que les agriculteurs eux- mêmes s’organisent et se prennent mieux en charge dans les chambres agricoles afin de résoudre l’ensemble des questions qui se posent à eux de manière ordonnée. C’est un effort collectif qui est demandé. Les enjeux sont vitaux : une Nation qui n’est pas capable d’assurer un minimum
d’autonomie pour l’alimentation de ses populations ne peut absolument pas se prévaloir d’une souveraineté assumée. Si les Russes tiennent aujourd’hui face à leurs adversaires du moment, c’est bien parce qu’ils ont réalisé la maitrise de leurs armes et de leur pain. La guerre, c’est d’abord la victoire sur le blé !
Par Mr LARAS Mourad
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